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naufrageLe naufrage de l'orientation à l'école


C'est le grand chantier de Luc Chatel. Il va tenter de convertir à l'entreprise les 4 256 conseillers d'orientation-psychologues. C'est le sujet à la mode, celui que tout le monde s'accorde à trouver fondamental. L'orientation a fait l'objet, en 2009, de pas moins de cinq rapports ou campagnes de communication. La semaine dernière, Luc Chatel inaugurait la plate-forme d'orientation en ligne de l'Onisep, et insistait à cette occasion sur la «géolocalisation des offres de formation». Martin Hirsch, en déplacement, mardi, avec le ministre de l'Éducation nationale sur le thème du livret de compétence, avait déjà abordé le thème dans son livre vert sur la jeunesse.


Avant eux, le Conseil d'orientation pour l'emploi, le rapport Descoings et le rapport du conseiller interministériel à l'orientation avaient développé leurs propositions, déclinant l'idée du président de la République d'un «grand service public d'orientation».


 

Réunis cette semaine en Journées nationales d'étude, les conseillers d'orientation-psychologues sont en première ligne. Ils sont 4 256, répartis entre les établissements scolaires et 600 centres d'information et d'orientation. Ils doivent être titulaires d'une licence de psychologie, et poursuivent, après un concours comportant des épreuves de psychologie et de connaissance du système éducatif, des filières et de l'emploi, deux années de formation, dont 6 à 8 semaines de stage en entreprise.


Leur mission : donner aux élèves les informations sur les différentes formations et les aider à définir un projet professionnel. Une mission qu'ils peinent visiblement à remplir. Pas de chiffres, bien sûr : un mauvais conseil ne se vérifie pas par des statistiques. Mais les 50 % d'échec en première année d'université résume les carences du système ; que l'on peut aussi expliquer par le maquis des formations : les seules licences professionnelles sont au nombre de 1 620.


Luc Ferry, ancien ministre de l'Éducation, déclarait le 24 mars 2009 : «La grande erreur est d'avoir confié l'orientation professionnelle aux conseillers d'orientation-psychologues, qui sont incompétents pour cela et ne connaissent rien à l'entreprise. Ce n'est pas leur faute, mais ce n'est pas leur métier. Ce choix a été fait pour résorber le chômage des filières universitaires de psychologie.» Pour compenser, donc, certaines erreurs d'orientation…


Diversification


Danielle Pourtier, présidente de l'association des «copsy», défend pourtant sa profession, notamment dans sa dimension psychologique. «L'orientation est un terme polysémique, plaide-t-elle. Ce n'est pas une procédure administrative. Il faut rassurer les jeunes, leur donner confiance et les aider à sortir de leurs stéréotypes sur les métiers. Certes, nous ne connaissons pas tous les métiers, qui le peut ? Mais certains ont un parcours diversifié et connaissent l'entreprise.» Pour preuve, le thème de ces Journées d'études : «Parlons métiers».


Pour Bernard Saint-Giron, délégué interministériel à l'orientation, «il faut considérer que l'orientation n'est pas que l'affaire des conseillers d'orientation, mais que leur expertise doit être complétée par une connaissance de l'environnement économique.»


De même, Marie-Claire Carrère-Gée, présidente du Conseil d'orientation pour l'emploi (COE), refuse de faire peser sur les «copsy» le poids des échecs de l'orientation. «C'est un sujet global, explique-t-elle. Il faut trouver l'équilibre entre les compétences et les envies des jeunes d'un côté, les exigences du marché du travail de l'autre.» Selon elle, les conseillers d'orientation sont plus que jamais nécessaires, mais le COE prône une diversification vers des spécialistes des ressources humaines et de l'économie, en même temps qu'une relance, du recrutement, certains pouvant même se spécialiser en fonction de leurs compétences.


Pour l'heure, affirme Marie-Claire Carrère-Gée, «le gâchis est colossal». Toutes les propositions ont été faites, journées des métiers, transparence sur les débouchés des formations… Plus grave encore que la question de l'orientation : celle de la dévalorisation des diplômes. Décrocher un bac professionnel et technologique n'assure pas l'année suivante la réussite sur les bancs de la fac ou dans un cursus de type DUT. C'est le non-dit de ce débat.


Natacha Polony, lefigaro.fr - Mis à jour le 18/09/2009